mercredi 7 mars 2012

"Paracha térouma, la liberté de donner et de construire "


Passer de l’esclavage à la liberté.
Depuis la sortie d’Egypte, telle est la question récurrente qui se pose à notre peuple, et à chacun d’entre nous.
Avec la libération, la pression retombe, la dépression nous guette, les tensions extérieures se relâchent, les tensions intérieures font leur chemin jusqu’à notre conscience, on s’aperçoit que si nous sommes sortis d’esclavage, l’esclavage n’est peut-être pas sorti de nous, que le chemin est encore long.


L’actualité de ces dernières semaines, la libération en chemin en Tunisie comme en Egypte, illustre ces questions. Alors que nous nous réjouissons du souffle de la liberté, nous comprenons combien le moment de restructuration interne est délicat. Qui prendra le pouvoir, les forces démocratiques ? D’autres forces, avides de domination ?
Dans nos vies également, nous avons certainement expérimenté ces moments où, libérés d’une contrainte, le vide ou l’interrogation s’empare de nous, après les examens, à la fin d’un emploi oppressant ou d’une relation personnelle difficile. C’est également le cas des adolescents, qui sortent de leur dépendance à leurs parents et doivent restructurer leur personnalité face à la loi qu’ils choisiront eux-mêmes.
Entre l’oppression et la liberté, la transition.
Entre l’esclavage d’Egypte et la responsabilité de Canaan, le désert.
Le désert et sa dépendance matérielle absolue. Pour nourriture, la manne, qui tombe du ciel tous les matins et dont on ne peut faire provision. Pour boisson, l’eau du puits de Myriam, qui suit les enfants d’Israël, pour itinéraire, le signe de la présence divine, qui s’élève au-dessus de la tente d’assignation lorsqu’il faut lever le camp, et qui se met en marche pour indiquer la direction du voyage. Prise en charge qui permet détente, décompression et régression. Les besoins primaires sont pris en charge.
La sécurité va permettre de se reconstruire.
Mais au-delà du calme, il faut un projet.
Si on veut élever un peuple pour qu’il devienne porteur d’un idéal aussi irréaliste et nécessaire que la paix, il faut dès le début l’inscrire dans un projet impossible et magnifique.
Cela, c’est la construction du mikdach-michkan-ohel moéd. Donner à un projet collectif, alors qu’on a rien, investir dans un projet commun, mettre ses intérêts en commun pour devenir un peuple.
Un temple magnifique, construit avec les moyens du bord.
Un temple dédié au Dieu Eternel-aux valeurs éternelles, qui sera démonté et remonté à 42 reprises.
Un temple de la liberté, fabriqué par des esclaves.
Le verset bien connu explique : « ils me feront un temple et je résiderai en eux »
Le sifté tsadikim attire notre attention : en eux, et non pas en lui, au sein des enfants d’Israël, et non dans le temple qu’ils m’auront construit.
Si l’Eternel demande qu’on lui fasse un palais, n’est-ce pas pour y résider ? 
Un Dieu de liberté n’a pas besoin d’un temple pour y résider, ni de prières pour se rassurer, ni de pouvoir pour en abuser, ni de commandements pour asseoir son règne.
Un Dieu de liberté a besoin d’un peuple qui créée sa liberté par un travail actif de création de soi-même, un peuple qui se créée dans un travail commun, construire un édifice pour s’y rassembler (temples, synagogues), construire un cadre de valeur pour s’y référer et le célébrer (prières individuelles et collectives), construire un mode de vie qui les rassemble et les façonne (commandements).
Lorsque nous apprenons à nos enfants à dire merci, ce n’est pas, je l’espère, pour notre ego, mais plutôt pour leur donner conscience de leur chance, leur donner la joie et la conscience qui leur permettront d’être heureux et bons.
Croire que Dieu est dans le temple est une hérésie.
Ne pas construire le temple est un renoncement au plus sacré, puisque le plus sacré est le regroupement de femmes et d’hommes travaillant ensemble pour le bien.
Que ces enseignements soient pour nous l’occasion d’un repos, d’un éloignement des contraintes matérielles, d’un relâchement, et d’une réflexion sur notre construction personnelle, celle de nos familles, et celles de nos communautés, à l’occasion de ce Chabbat Térouma.